BREST: Cosmogonies
Sur les traces de la fabrication d’un imaginaire urbain.
A travers le réaménagement d’ampleur du plateau des Capucins, Brest opère la métamorphose de son cœur symbolique – et ouvre une nouvelle page de son histoire.
Cette ville maritime presque détruite en sa totalité et reconstruite sur des champs de ruines après la guerre, se prépare à de nouveaux bouleversements. Les spectres de sa destruction hantent partout son urbanisme rectiligne et austère. La fonctionnalité voire l’utilitarisme ont gouverné l’urgence de sa reconstruction.
Aujourd’hui pourtant, la ville cherche à se ré-envisager et change de cap en édifiant ses ambitieux projets de future « ville-vitrine ». L’issue de ce vaste chantier de valorisation – à la faveur de sa nouvelle fonction métropolitaine, est annoncée comme la forme vertueuse de sa renaissance. Mais Brest doit encore composer avec les strates de son passé.
C’est en ces lieux d’anciennes affectations industrielles et militaires, sur ces zones interdites – insolites, monumentales parfois, devenues friches pour certaines ou classées au patrimoine pour d’autres, que s’affrontent de nouveaux enjeux.
Ces bords de ville, ces territoires informels redevenus « libres » invitent l’investigation artistique, culturelle, politique, foncière …
J’ai voulu arpenter ce territoire de Brest en mutation, avant l’éclosion finale de son nouveau visage, de son « imago » ; ses zones intermédiaires, suburbaines de« ville-usine », ses quartiers de déshérence où s’annoncent de futures révolutions.
Chaque jour, le regard peut s’étonner face à l’émergence de ces nouveaux faubourgs, infiltrés par des percées résistantes de nature.
J’ai cherché à suivre cette frange intermédiaire et décousue de la ville, avec ses sentiers, ses lisières incertaines, fragiles.
Photographier les coulisses d’un chantier, d’un espace social en devenir, tout en s’éloignant du reportage, du « making-of » ; en laissant intervenir la subjectivité.
Choisir la déréalisation de la vision nocturne, pour mieux rendre compte du réel – du surréalisme du réel. L’ombre comme paradigme de la photographie dans sa dualité positif / négatif.
La nuit dans son épaisseur symbolique, invite à une dimension contemplative et silencieuse. L’activité des hommes s’arrête. L’observation intense et prolongée du monde suspend le temps.
Les paysages urbains devenus ombres et formes, revêtent une présence mystérieuse et se transposent en décors sublunaires.
Ces espaces imparfaits, bouleversés, enchevêtrés se livrent bataille.
Tel un monde englouti, énigmatique, les vestiges des activités industrielles s’effacent peu à peu, et font place à l’œuvre de la transformation.
Le visible improbable s’improvise comme le théâtre mythologique d’une rêverie photographique - où le référent devient l’imaginaire.
La cosmogonie (du grec cosmo- « monde » et gon- « engendrer ») est définie comme un système de la formation de l'Univers1.
Des récits oraux de cosmogonie fondent presque toutes les religions et sociétés traditionnelles, mais de nombreux traités sur les origines possibles de l'univers ont aussi été écrits par des philosophes ou des penseurs scientifiques.
Des milliers de légendes de création du monde et de récits cosmogoniques traditionnels relatifs aux origines du monde, des dieux ou des institutions, appartiennent à la catégorie des mythes fondateurs. Les figures idéales et les modèles intemporels y ont donc une place importante.
La variété des récits de création du monde, à travers leurs théories des origines, semble aussi exprimer le besoin immuable de décrire et peut-être justifier les transformations radicales du monde observable, de la Terre et de la société humaine. Mircea Eliade voit dans la cosmogonie « le modèle exemplaire de toute manière de faire » ; une sorte de modèle archétypal de la création, l'univers étant le « chef-d'œuvre » d'un ou plusieurs créateurs offerts comme modèle aux hommes.
Le Chaos primordial :
La naissance d'un monde (parfois harmonieux voire paradisiaque) est souvent la résultante de conflits entre forces antagonistes, l'ordre et le désordre, la lumière et les ténèbres, etc. Cependant, comme dans la Cosmogonie d'Hésiode, le chaos originel préexistant à l'Univers est parfois présenté non comme un néant ou un ensemble en conflit avec l'ordre, mais plutôt comme entité renfermant l'ensemble des éléments à venir, mais mélangés.